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18 Jan 2016

L'auto-édition ne gagnera pas en crédibilité sans la solidarité de ses acteurs

Au printemps dernier, j'ai publié l'analyse d'une longue enquête auprès de 130 auteurs auto-édités francophones. Mon livre L'auto-édition pourquoi comment pour qui est paru au mois de mars pour le Salon du Livre à Paris, dans le but de faire évoluer les mentalités en démontrant que les auteurs auto-édités sont parfois largement au-dessus de leur réputation d'auteurs au rabais, et que cette différence tenait principalement dans le fait que « auto-édition » et « auto-publication » ne sont absolument pas synonymes.

Malgré une certaine solidarité de la part de certains auteurs (qui n'avaient pas toujours participé eux-mêmes à cette enquête), le livre n'a pas été promu efficacement à son lancement.

Je suis en grande partie responsable de cet échec : j’ai commis l’erreur d’annoncer, dès le départ de l'enquête, que les résultats seraient diffusés gratuitement aux différents médias, dans le but de défendre l'auto-édition en apportant un regard objectif sur ses principaux acteurs, ce qui s’est avéré très naïf de ma part, du fin fond de ma vallée perdue entre les montagnes encore enneigées de Haute-Savoie, étant donné mon manque de contacts chez les journalistes d’une part, mais aussi compte tenu du travail énorme, que j’avais complètement sous-estimé, pour décortiquer et analyser les réponses apportées à cette grande enquête.

 

Il faut savoir que chaque auteur ayant répondu à mon formulaire a accordé environ dix minutes de son temps pour témoigner de son expérience dans l’auto-édition.

Je les remercie tous pour l’honnêteté de leurs réponses.

Deux profils ont été écartés du traitement des données parce qu’ils ne mentionnaient aucune publication ni gratuite ni payante, et 17 profils ont été en revanche conservés malgré le fait qu’ils ne répondaient pas aux critères imposés au départ (à savoir justifier de plus d’un an d’expérience en la matière). Pourquoi ? Parce qu’une grande partie d’entre eux avait déjà publié plusieurs ouvrages, certains avaient notamment déjà obtenu un certain succès, et les autres avaient apporté des réponses qui montraient qu’ils étaient particulièrement déterminés et bien renseignés sur l’auto-édition, et que leur manière d’appréhender cet objectif permettait d’apporter un éclairage intéressant sur le travail éditorial à effectuer en amont de la publication.

3 mois de travail m’ont été nécessaires avant de parvenir à l’analyse complète de toutes ces données.

Ne publier uniquement que les données statistiques de ce sondage n’aurait eu aucun intérêt, et c’est la raison pour laquelle j’ai pris le temps d’expliquer la situation actuelle des auteurs dans l’industrie du livre, et aussi le caractère très élitiste de la littérature dans la mentalité française en général.

J’ai essayé de montrer qu’opposer l’édition à l’auto-édition était une absurdité, et aussi que les auteurs avaient sans doute autant besoin des éditeurs que les éditeurs avaient besoin des auteurs. Confondre « auto-publication » et « auto-édition » relève d’une méconnaissance totale du sujet, voire, pire, d’un acte de mauvaise foi absolue.

Enfin, l’apparition du support numérique représente à mes yeux bien plus une opportunité de réconcilier des non-lecteurs avec la lecture, qu’un danger pour l’industrie du livre papier, et je pense que ces deux supports auront l’occasion de cohabiter pendant encore longtemps sans se concurrencer l’un et l’autre.

 

Il y a un an, au Salon du Livre de Paris 2015, l’auto-édition faisait une réelle percée dans l’actualité du livre, Amazon KDP en tant que grand agitateur en chef depuis 2012, mais aussi par le biais de nombreux prestataires, très récemment positionnés sur ce nouveau créneau très porteur.

Malheureusement, cette actualité a été complètement occultée dans les médias.

En France en tout cas… Car dans d'autres pays, moins conservateurs que le nôtre, l’auto-édition fait désormais partie intégrante du paysage culturel littéraire.

En Allemagne, par exemple, mon rapport d'enquête a bénéficié d’un article et d’une interview. (Il faut croire que nul n’est prophète en son pays !)

 

J’ai souvent regretté que ce livre, qui continue de se vendre de manière régulière tout au long de l’année mais sans visibilité majeure, n’ait pas été soutenu par l’ensemble des auteurs ayant participé à cette enquête, mais je dois reconnaître que j’ai fait preuve de nombreuses maladresses à leur égard :

-       tout d’abord en décidant de publier une enquête qui devait être diffusée gratuitement (mais je ne bénéficiais pas de la crédibilité suffisante pour qu'un média s’y intéresse, et ce travail méritait pourtant d’être mis en avant)

-       en publiant ensuite mon livre de manière non gratuite (j’avais passé beaucoup de temps à effectuer ce travail et c’aurait été une erreur de vouloir le diffuser gratuitement, car pour avoir déjà testé la gratuité en matière de promo, je suis convaincu que les lecteurs n’accorde majoritairement de la valeur qu’à ce qu’ils achètent)

-       en sollicitant tous les auteurs qui avaient indiqué leurs coordonnées dans le formulaire (un seul n'a pas souhaité le faire) au lancement du livre, en leur proposant de les rembourser de leur achat à 0,99€ pour les remercier de leur participation en échange d'un commentaire (positif ou critique) afin de contribuer à faire avancer le schmilblick

 

Même si une partie des auteurs indés avait compris mes intentions, et adhéré aussi à ma volonté de rassembler autour d’un état des lieux commun, ces maladresses m’ont valu une certaine suspicion à l’égard de la majorité de ces 130 auteurs (ou plus précisément 129, puisque j’avais moi-même apporté mes propres réponses à ce questionnaire).

Seule une poignée de ces 130 auteurs ont ainsi accepté de télécharger le livre (sachant que le nombre de téléchargements au lancement est un des principaux vecteurs de la visibilité auprès de nouveaux lecteurs), 3 auteurs ont accepté ma proposition de les rembourser de leur achat (d’autres m’ont fait part de leur souhait de ne pas être remboursés en respect pour le travail effectué)… et 2 ou 3 mails m'ont été adressés pour me reprocher de vouloir faire de l’argent sur le dos des auto-édités (absurdité au regard du temps passé, de l’énergie à essayer de promouvoir le livre, des frais engagés pour me rendre au salon à Paris, et je ne parle même pas de ces dizaines d’interviews d’auteurs indés publiées bénévolement sur mon autre blog pour apporter ma pierre à cette solidarité nécessaire), ou d’acheter des commentaires (cela eut été malhonnête de ma part si j’avais exigé des commentaires uniquement positifs, et surtout si ce livre n’avait pas été écrit pour défendre une cause commune).

Un de ces auteurs (je suppose) s’est même amusé récemment à cliquer sur « non » à la question du site Amazon « Avez-vous trouvé ce commentaire utile ? » sur tous les avis donnés par les commentateurs.

Volonté de me nuire ? Idiotie : en agissant ainsi, ce sont les commentateurs, que l’on crédibilise, et non l’auteur du livre.

Bref. Que de rivalités absurdes et inutiles, motivées par d'absurdes jalousies, méprises et erreurs de communication, là où, justement, il serait à mon avis grand temps de passer du « Je suis un incompris, c'est moi qu'il faut lire » à « Regardez : nous sommes auto-édités et nous méritons autant de considération que les autres auteurs ! »

 

Depuis une dizaine de jours, j’ai le moyen de démontrer ma bonne foi en partageant sur les réseaux une nouvelle publication apportant un éclairage objectif sur l’auto-édition en tant que phénomène incontournable de la libre expression des auteurs à l’ère numérique : Publier son livre à l’ère numérique, de Marie-Laure Cahier et Elizabeth Sutton.

Mon travail d’enquête a été cité comme référence à plusieurs reprises dans ce livre, et j’en remercie à nouveau les auteures.

Ici, nous avons affaire à un livre qui aura, je l’espère, l’occasion cette fois de faire bouger les choses de manière plus crédible : en effet, ce livre a la particularité d’être publié en auto-édition au format numérique ET publié de manière traditionnelle, au format papier, par l’éditeur EYROLLES.
Rappelons au passage le puissant réseau dont bénéficie Elizabeth Sutton, co-fondatrice du site IDBOOX spécialisé dans le numérique.

 

Opposer l’auto-édition et l’édition est bel et bien une absurdité : ce sont les éditeurs eux-mêmes, qui le prouvent.

Jusqu’à maintenant, l’éditeur Michel Lafon (en tête) l’a démontré à plusieurs reprises en proposant un contrat à plusieurs auteurs auto-édités, repérés grâce à leur succès. Souvenons-nous d'Agnès Martin-Lugand, première auto-éditée à avoir gagné ses lettres de noblesse, en débarquant en librairie le 6 juin 2013 avec Les gens heureux lisent et boivent du café puis un nouveau roman chaque année et bientôt un quatrième, près à paraître !

Mais pour ce livre Publier son livre à l’ère numérique, pour la première fois, un ouvrage est publié simultanément en auto-édition numérique parallèlement à une édition à compte d’éditeur au format papier !

 

J’invite donc tous les auteurs ayant participé à mon enquête, mais également tous les auteurs auto-édités confrontés à l’indifférence des médias ou au mépris des libraires et des professionnels du livre, à apporter leur soutien à cette publication.

Encore une fois, je le répète : tout ce qui apportera un regard plus juste sur l’auto-édition fera du bien à l’auto-édition dans sa globalité.

Mettons en avant le succès des auteurs auto-édités, unissons-nous pour représenter une force, et gagnons la considération des médias et des libraires.

Non, nous ne faisons pas que de l’auto-publication, et il faut que cela se sache : nous nous soucions de nos lecteurs, nous faisons corriger nos textes, nous avons recours à des conseillers, des relecteurs, parfois des graphistes…

Dans « auto-édition », il y « édition ».

Ce travail qui représente toute la partie invisible de l’iceberg de nos publications, il est temps de le faire connaître !

Nous ne sommes pas parfaits, nous ne nous auto-suffisons pas, mais nous sommes des passionnés de l'écriture, de la liberté (aussi), nous n'avons pas peur de prendre des risques pour publier des ouvrages hors normes, audacieux et inclassables, et nous nous en remettons au verdict le plus juste : celui des lecteurs.

 

Concernant ces lecteurs, qui sont-ils ?

Méritent-ils d’être considérés comme des sous-lecteurs, une partie inculte de la population dont il faudrait ignorer les goûts et avis ?

Aujourd’hui, ce sont principalement des habitués du format numérique. Ô sacrilège ! La littérature et la modernité seraient-elles à ce point des valeurs incompatibles ?

Pour les autres, pour ces lecteurs « respectables » qui pensent encore que l’on ne devient un auteur qu’en étant anobli par un éditeur, qu’en étant présent en librairie et dans les médias, tout reste à faire…

Alors faisons-le ;-)

 

Se plaindre de ses chaînes n'a jamais libéré personne : si nous rêvons que certaines choses dans ce monde puissent changer, alors à chacun d'entre nous de contribuer à ce changement à la hauteur de ses moyens.

Auteur auto-édité, quelle sera ta "part du colibri", aujourd'hui ?